Reconstitution de la Biodiversité
Lorsque des terres de la Sierra Nevada de Santa Marta sont restituées aux Kogis par Tchendukua – Ici et Ailleurs, après des années de surexploitation, elles sont malheureusement très abimées. La plupart du temps, elles sont achetées à des paysans qui, depuis plusieurs dizaines d’années, exploitent leurs parcelles pour la vente de bois, l’élevage ou l’agriculture : cacao, café, canne à sucre ou cultures maraîchères tropicales (Yucca, bananes plantain …)
Dans la région, le développement intensif de la culture et de la transformation de la coca a déclenché une accélération frénétique de la déforestation. Il s’agissait d’agrandir au maximum et au plus vite les zones de culture de la coca auxquelles étaient associées l’usage intensif de produits chimiques nécessaires pour produire la pâte « base » de la cocaïne. Les produits chimiques utilisés étaient rejetés dans la nature, parfois même dans les cours d’eau qui alimentaient nombre de villages situés en contrebas des zones de transformation.
Quand une terre est restituée, les Kogis consacrent 60 à 70% à la régénération de la forêt, suivant des techniques qu’ils sont parmi les rares peuples à maîtriser. Ainsi, les arbres repoussent, les animaux reviennent, l’eau coule à nouveau…
En parallèle au développement de la culture de coca, réduite aujourd’hui, mais encore présente, il n’est pas rare que des spéculateurs achètent de vastes zones forestières puis vendent le bois afin d’ouvrir de nouvelles zones de pâturage dont la valeur financière à l’hectare sera plus élevée qu’un hectare de forêt. Sous l’effet du passage régulier des animaux, mais aussi de l’usage des insecticides, pesticides et des engrais, les sols se tassent, s’érodent, s’appauvrissent. Peu à peu, des phénomènes de latérisation du sol (sols durs, impropres à l’agriculture) se mettent en place.
Grâce à leurs connaissances ancestrales, les communautés kogis parviennent à « réparer » ces terres et permettre à la nature de reprendre ses droits. Dans leur culture, il est nécessaire de laisser 60 % à 70 % des surfaces en processus de régénération, les 30 % restants étant affectés à la polyculture arborée et aux constructions traditionnelles. Les Mamas et les Sagas (chamans hommes et femmes), par leur formation extrêmement poussée (18 ans dans le noir) ont une connaissance approfondie des écosystèmes, de leurs grands équilibres, des signes qui permettent d’en apprécier le plus ou moins « bon » état. Ils parlent « d’ordenamiento territorial », une façon de faire qui permet de remettre en équilibre les grands principes qui maintiennent un territoire en « bonne santé ». C’est généralement aux femmes que revient la responsabilité de soigner la « mère terre » et aux hommes de les assister. Leurs connaissances – des insectes, des oiseaux, des minéraux, de la nature et de l’exposition des sols, des étoiles, de la faune et de la flore, des espaces et temporalités d’humidité, de la nature de l’eau, des interrelations entre les choses et les phénomènes – sont associées et mises en œuvre pour tenter de cultiver la terre, respecter ses énergies tout en tenant à distance les cycles des prédateurs et insectes qui pourraient menacer leurs récoltes.